C’est une technique classique dans les arts séquentiels : Alors qu’un des sous-fifres va parler à son chef, l’infâme traître dont on cherche l’identité depuis le début de l’histoire, ce dernier demeure invisible.
Pas qu’il ait développé le don de Sue Storm, la femme invisible, mais plutôt que les metteurs en scène s’acharnent à nous cacher son visage.
Pensez au vilain chef du S.P.E.C.T.R.E. des James Bond, que l’on oublie souvent au profit de son homologue de l’inspecteur Gadget, le fameux Docteur Mad.
Et puis récemment, j’ai lu ça :
Ultimates 20 (Marvel France)
Scénario : Mark Millar – Dessin : Bryan Hitch
Et je me suis dis que si on avait été dans un film, on aurait eu un bel indice sur son identité : sa voix.
Si dans mon mémoire je parle beaucoup du rapport à l’espace et au temps de la BD et du cinéma, je délaisse volontairement la dimension sonore.
Cela peut en effet paraître une évidence : si on se base sur une définition scientifique, le son est une onde, définie entre autre par une fréquence, et ne peux donc pas se concevoir en l’absence de temps. Cela est totalement incompatible avec la bande dessinée qui, je le rappel, est un art de l’espace.
Pourtant cet élément manquant peut être générateur de sens, comme le montre l’image ci-dessus.
Dans un film, il existe deux moyens directs de reconnaître un personnage : son apparence et sa voix. Les deux peuvent être travestis, et c’est ce que fond souvent les traîtres mystérieux, du moins jusqu’à l’apex scénaristique de la révélation (OH ! un mot intelligent !).
En BD, il existe théoriquement deux moyens de reconnaître un personnage. Je dis bien « théoriquement ». Car si l’apparence physique est un élément de reconnaissance évident dans un art de la représentation, l’apparence typographique est très peu employée.
En effet, certains auteurs personnalisent les phylactères de leurs personnages, en leur donnant une typographie particulière. Dans le Sandman de Neil Gaiman, c’est le cas de tous les Éternels. Les humains se partagent le même style de bulle, sans doute pour montrer combien leurs différences sont insignifiantes au regard des divergences fondamentales entre plusieurs concepts personnifiés.
Cet équivalent de la « voix » reste toutefois très rare, ou bien dédié à des personnages marginaux, comme V, le héros de V pour Vendetta, au phylactère aussi déformé que son visage et son esprit.
Pourquoi donc ne pas généraliser ce formalisme ?
D’abord, parce qu’il s’agit d’un héritage de la littérature. Dans un roman, seules les indications de l’auteur désignent les protagonistes d’un discours. Et ce peut très bien être « le mystérieux traître ». Rares sont les ouvrages personnalisant les textes en fonction de leur émissaire.
Ensuite, car il s’agit d’une arme des scénaristes de BD : devant l’uniformisation des textes, il est impossible de déterminer qui est à l’origine d’un phylactère, et donc qui est le traître.
De plus, la mise en style du texte gagne par sa rareté une valeur d’exposant.
Pourquoi les auteurs de BD saborderaient-ils leurs outils narratifs sous prétexte de… Sous prétexte de quoi ?
La « queue » du phylactère remplit déjà très bien l’office de désigner l’annonciateur d’une sentence. La redondance n’est jamais essentielle, toujours optionnelle.
En quoi ces règles influent elles sur le comportement du traître ?
Un art séquentiel est vue selon le point de vue de son metteur en scène, que l’on pourrait représenter par une caméra. Les traîtres font parties des rares personnages semblant avoir conscience de cette présence qui enregistre tous leurs faits et gestes. Mais on ne reste pas un traître en vie sans être un minimum malin. Le traître sait se positionner en dehors du cadre, voire dans l’ombre. Mieux, le traître de cinéma maquille sa voix, ou évite carrément de parler, tant qu’il est espionné.
Il est donc beaucoup plus facile d’être un traître de BD. Pas besoin de masquer sa voix : On peut donc avoir une discussion civilisés avec un ami, en ne prenant pour seule précaution que d’éviter d’être visible dans le cadre.
Qui est donc l’heureux traître de cette épisode d’Ultimate ? A relire attentivement le dialogue, je pense être sur la bonne … voie 🙂
*Se gratte la tête*
Ouais c’est bien ce que je disais, un peu trop de mot. Mais sujet bien intéressant.
*Repart fouiner dans le blog*
Bein oui, y aurais moins de moins de mots si je savais dessiner 🙂
Je fais avec mes maigres talents, plus porter sur le verbe que sur le gribouillage 😉
HaHaha! ça c’est de l’analyse! Tu te prendrais pas un peu pour scott Mc Cloud!
En tout cas félicitations pour ton blog, il est joli!!!
je commence vraiment a croire que tu es un grand taré. ^^ tu me diras, apres le week end du 1er avril je suis sensé en avoir eu la preuve…. ^^
tres belle prose sinon. ^^
et beau blog.
A plus.
http://www.scoop.it/t/turbo-media-naissance-d-un-nouveau-medium/p/43449067/le-blog-a-malec-turbo-media
Sujet très intéressant (dit le mec qui se réveille 4 ans après)
J’ai tout de suite pensé au roman « la planète des singes » (Pierre Boulle), dans lequel « il » et « elle », navigateurs d’un voilier spatial, découvrent dans une épave le film d’un homme qui raconte son séjour dans la planète des singes. A la fin du roman, ces 2 singes n’arrivent pas à croire qu’il ait pu exister une race d’humains intelligents…
Allez donc retranscrire ça dans un film ou dans une BD (par John Buscema) !
Une autre utilisation de l’assistant invisible, dans cet excellent TurboMédia : http://www.scoop.it/t/turbo-media-naissance-d-un-nouveau-medium/p/43449067/le-blog-a-malec-turbo-media
Dans ce cas, nul mystère sur l’identité de la voix off. C’est juste que « qui il est » n’a aucune importance !